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L’opération Husky (1)

L'opération Husky est le nom de code donné au débarquement des troupes britanniques, américaines et canadiennes en Sicile, déclenché le 10 juillet 1943. L'ouverture d'un « Second front » en Europe, si souvent réclamée par Staline à ses alliés occidentaux, devient alors réalité.

Contexte

La victoire britannique en novembre 1942 d'El Alamein des troupes du général Bernard Montgomery contre l'Afrikakorps du maréchal Erwin Rommel représente le premier enrayement de la machine de guerre allemande : en obligeant les forces de l'Axe à se replier, les Alliés peuvent s'engager dans l'opération Torch, le débarquement allié en Afrique du Nord, destinée à prendre définitivement pied sur le théâtre méditerranéen.

Le 13 mai 1943, la campagne de Tunisie est terminée : les Alliés sont maîtres de l'Afrique du Nord et peuvent donc envisager de nouvelles opérations : leur objectif premier est à présent la Sicile.

Ce choix se justifie principalement par deux arguments :

La réussite de l'opération donnerait le contrôle stratégique aux Alliés de la voie maritime est-ouest en Méditerranée.
Prendre pied en Sicile menacera directement les forces de l'Axe et les obligera à détourner une partie non négligeable de ses troupes au détriment du front de l'Est : la conséquence, simple à entrevoir, est que l'Armée rouge va pouvoir disposer de plus d'amplitude pour tenter de desserrer l'étau allemand.

À la conférence d'Anfa (23 janvier 1943), les Britanniques se montrèrent partisans d'une prolongation du combat en Méditerranée : la Sicile devait être conquise pour servir de tremplin à une invasion de l'Italie, afin de détourner les réserves allemandes des côtes atlantiques dans la perspective d'un futur débarquement et mettre à portée des forces de bombardement les champs pétrolifères de Roumanie et les zones industrielles allemandes du sud. Au contraire, les Américains voulaient se concentrer sur le futur débarquement sur les côtes de la Manche, tout en restant mobilisés contre le Japon. À la conférence de Casablanca, ils acceptèrent finalement la proposition britannique car ils craignent une défection de la Russie s'il n'y a pas de débarquement en Europe occidentale au cours de l'année 1943. Il fut aussi décidé que l'on exigerait de l'Italie une reddition sans conditions. Mais il n'y eut pas de plans établis pour la conquête de l'Italie avant la chute surprise de Mussolini. Les opérations italiennes furent donc des opérations par défaut.
En ce qui concerne la Sicile, les Alliés réussirent à intoxiquer leurs adversaires grâce à l' « opération Mincemeat » : le 9 mai 1943, le corps d'un officier anglais avec les prétendus plans d'invasion de l'Italie est découvert sur les côtes sud de l'Espagne. On y décrit une invasion prioritaire de la Sardaigne afin d'ouvrir la route de Gênes, et une opération de diversion sur la Sicile. Les Allemands qui croyaient déjà à une invasion de l'Italie du nord furent renforcés dans leurs convictions.

La Sicile était un terrain difficile pour un assaillant : après l'étroite plaine côtière, le défenseur pouvait s'appuyer sur les collines et montagnes, traversées par des routes étroites, sinueuses, en mauvais état et en forte pente. Les nœuds routiers étaient dominés par des villages sur les hauteurs, propices aux embuscades. La roche friable était un véritable terrain de jeu pour les sapeurs allemands et italiens. Même dans la large plaine de Catane, la progression des blindés pouvait être ralentie par les canaux d'irrigation. Les Alliés bénéficiaient heureusement d'une maîtrise aéronavale totale : les flottilles côtières allemandes et la Luftflotte 2 ne valaient guère mieux, l'escadre italienne de Gênes et la Regia Aeronautica étaient trop mal en point. La Regia Aeronautica produisit cependant au cours de l'année 1942 quelques nouveaux appareils de qualité mais en nombre trop faible pour renverser l'équilibre : tel était le cas de du bombardier-torpilleur Savoie-Marchetti 84 (variante du SM79), des chasseurs équipés de moteurs allemands Macchi C-202 "Folgore" et Reggiane RE-2001 "Falco", de l'hydravion Fiat RS-14 et du premier bombardier lourd italien Piaggio P-108 B.

La VIe armée italienne du général Guzzoni, vétéran de l'Albanie rappelé de sa retraite pour défendre la Sicile, et dont le quartier-général était à Enna, était composée de troupes mal équipées et peu entraînées : six divisions et deux brigades côtières (dont la 206e division côtière autour du cap Passero, futures plages britanniques de débarquement et la 18e brigade côtière plus à l'ouest, sur les futures plages américaines), et quatre divisions de campagne. On trouvait à l'ouest le 12e Corps avec les divisions de campagne « Aoste » et « Assietta » et à l'est le 16e Corps avec les divisions de campagne « Livorno » (entre Caltagirone et Caltanissetta, la seule de véritable valeur) et « Napoli » (à Vizzini, à l'ouest de Syracuse). Les forces allemandes comprennent deux divisions blindées reconstituées après la campagne d'Afrique du nord : la 15e Panzergrenadier et la « division Hermann Göring ». L'objectif de l'Axe était de faire amortir le choc initial par les médiocres troupes côtières puis de faire intervenir les formations mobiles pour rejeter les Alliés à la mer. La répartition des forces blindées allemandes fit l'objet d'un débat entre Guzzoni et Kesselring. Ce dernier craignait non seulement une opération au sud-est mais aussi un assaut contre Palerme. Finalement, ces troupes furent dispersées en quatre groupes : le gros de la 15e Panzergrenadiere au sud-ouest de Palerme, un détachement de la 15e [groupe Neapel] à Caltanissetta dans la zone centrale, les deux tiers de la division Hermann Göring à Caltigirone au sud-est, et un détachement de chaque division près de Catane [groupe Schmalz].

Le principal objectif du XVe Groupe d'armées du général Alexander était la prise de Messine, pour empêcher l'arrivée de renforts ou l'évacuation des troupes par le détroit, ainsi que les autres grands ports de Catane, Palerme et Syracuse. Cependant, tous ces ports n'étaient pas couverts par le parapluie aérien des bases de Malte, Gozo et d'Afrique du nord. Les expériences de Dieppe et d'Oran (au cours de l'opération Torch) démontraient l'extrême difficulté à attaquer un port de front, bien défendu par les mines sous-marines, l'artillerie lourde côtière, les ouvrages anti-chars et de solides fortifications : il valait mieux débarquer sur les plages, s'en dégager le plus vite possible et prendre le port à revers afin de disposer d'une base de ravitaillement convenable. C'est au cours du débarquement de Sicile que fut cependant expérimenté le transit massif de matériel par les plages grâce au DUKW, une sorte de camion amphibie. Les troupes bénéficièrent du soutien de l'artillerie navale des quatre cuirassés britanniques HMS Nelson, HMS Rodney, Warspite et Valiant.

Le premier « plan Husky » prévoyait un débarquement américain à Palerme et des Anglo-canadiens autour de Catane. Montgomery protesta : il craignait en effet une résistance aussi forte qu'en Afrique du nord et préférait une attaque concentrée au sud-est, qui parviendrait à neutraliser rapidement les aéroports siciliens situés principalement dans cette région. Le plan fut finalement établi ainsi : la VIIIe armée britannique débarquerait au nord et à l'ouest du cap Passero, la VIIe armée américaine du général Patton plus à l'ouest dans le golfe de Gela, jusqu'au petit port de Licata. La VIIIe armée devait se diriger vers Messine en suivant la côte, la VIIe armée devait traverser l'île jusqu'à Palerme.